la belle vibration

TANTRA & LOI DE L’ATTRACTION

[Ep. 20] Désirer pour soi ou pour un.e autre ?

Dans son livre Pussy A réclamation, dont je vous ai déjà parlé dans un épisode précédent, Regena Thomashauer parle de la vulve et du sexe des femmes comme le siège de leurs désirs les plus profonds.

Et quand elle dit désir, elle ne parle pas que de désir sexuel.
Elle parle de tous les désirs.

Et c’est une vision qu’on retrouve aussi dans le tantra. Notre sexe et notre bassin sont le siège de notre énergie vitale, sexuelle et créatrice. Dans notre sexe réside notre envie de vivre, notre envie de créer notre vie, une vie qui ne ressemble qu’à nous, où nous donnons naissance et corps à ce qui nous stimule, nous excite et nous fait rêver.

Pour savoir si, toi, tu es connectée à ton énergie vitale, il y a une question simple : sais-tu ce que tu désires pour ta vie ? Sais-tu de quoi tu as envie ?

Si tu es connectée à ton énergie vitale, tu peux répondre facilement à cette question pour tous les aspects de ton existence : ton travail, ta sexualité, tes amitiés, tes amours, tes voyages, tes loisirs, ce que tu manges, ta relation à ton corps.
Tu as des désirs et des intentions franches et claires pour chaque chose. Tu sais ce que tu as envie de vivre et comment te diriger vers ce qui te fait du bien. Ta boussole intérieure vers ton désir et ton excitation marche bien.

Si tu as perdu la connexion – beaucoup ou en partie – tu ne sais pas bien comment ou quoi répondre à cette question.
Ce n’est pas qu’il n’y a pas de désir en toi, c’est que l’accès à ceux-ci est brouillé, endormi ou compliqué. Et qu’il y a un chemin à retisser.

Ou alors, Peut-être que as envoyé ton désir ailleurs. Tu n’as pas perdu tout lien avec la Grande force du Désir. Mais que tu t’es embrouillée dans le branchement des fils en te raccordant au désir des autres.

Imaginons, peut-être que tu sais très bien comment faire plaisir aux autres, comment répondre à leurs besoins et à leur demande, et que tu es devenue une experte de ça. Et tu as tellement dirigé ton énergie vers cette vocation de faire plaisir aux autres, tu en as tellement fait ton hobbie préféré, que tu es perdu.e quand il s’agit de ramener le désir vers toi.

Alors crois-moi, je ne vais pas te juger.
Parce que ça fait des années que je fais ça.
Et que ça fait peu de temps que j’essaye consciemment de me défaire de ce mauvais pli du désir.

Je me souviens, il y a plus de 10 ans, dans un théâtre parisien, j’étais tombée sur une carte postale sur laquelle était écrit « et toi, sais-tu ce qui te fait plaisir ? ». Et cette carte m’avait tellement interpellée que je l’avais ramenée chez moi et accrochée au dessus de mon bureau.
Dès que j’avais l’oeil dans le vague, elle m’interpellait et je la contemplais comme un mystère.
Comme un parchemin incompréhensible vers une île au trésor possible.
Je savais que je ne savais pas répondre à cette question.
Mais surtout, je ne comprenais même pas pourquoi il serait intéressant de me poser cette question.
Je pressentais qu’il y avait un truc là dessous, mais sans avoir aucun indice de ce dont il pourrait s’agir.

Cette carte postale a probablement planté une graine en moi, mais j’ai eu besoin d’un long temps de réflexion pour qu’elle commence à germer.

Aussi loin que je me souvienne, je me suis projetée dans le désir des autres. Ma façon d’exister – surtout en couple – c’était de faire le plus possible pour mon compagnon. Et de me faire l’instrument de ce qu’il pourrait vouloir. De l’argent, du sexe, des services rendus, de l’écoute, de la présence… Il me semblait naturel de donner au maximum de mes capacités.

Je ne veux pas me placer en héroïne.
Déjà parce je n’ai rien fait de spectaculaire, ni déplacé des montagnes qui me vaudraient un biopic sur Netflix.
Ensuite parce que je l’ai fait – non pas par générosité authentique – mais plutôt par compulsion et par conviction que cela était nécessaire pour que l’on m’aime.

J’étais totalement orientée vers ce que je pouvais faire pour que mon homme soit heureux ou content, et je ne me posais presque pas la question pour moi.

En regardant en arrière, je vois que j’étais une automate. J’étais HABITEE par la question de « qu’est ce que je pouvais faire pour mon homme ? Comment je peux l’aider ? Qu’est ce que je peux lui donner ? Quel service je peux lui rendre ? Quel conseil lui serait utile ? » Tout le temps.

Plutôt que de m’intéresser à moi et à ce qui me ferait plaisir et du bien, j’étais dans la boucle de « l’autre l’autre l’autre ».

Dans ma vie professionnelle aussi, je n’allais jamais dans mon désir propre. J’étais rédactrice publicitaire. Je trouvais ce métier désastreux éthiquement et drainant pour ma créativité. Je m’en plaignais à mes amis. Mais plus que l’accès direct à mon désir, ce qui prenait le dessus en moi c’était cette force qui me poussait à faire pour l’autre, à y tirer un prestige et à y voir une sorte de vocation.

Je plaçais mon talent et ma valeur dans ma capacité à accomplir le désir des autres. On me demandait d’écrire n’importe quoi, pour n’importe qui, et je le faisais à merveille. Je pouvais me plier à tous les désirs. Je m’enorgueillissais même de ça, d’avoir cette capacité d’être sans désir propre, pouvant forcer mon verbe à adopter toutes les formes qu’on pourrait vouloir de lui. J’étais contente et fière d’être un instrument, qui pouvait totalement effacer son intention personnelle.

Mon désir à moi, ce n’est même pas que je le sacrifiais en conscience, c’est que je n’en avais absolument aucune idée.

Et ça irradiait tous mes territoires de vie.

A tel point que dans le sexe, ce que je pensais SINCEREMENT préférer par dessus tout, c’était d’offrir une fellation à mon partenaire. Et j’aurais été absolument incapable de dire ce que moi j’avais envie de recevoir.

Je plaçais ma sexualité au service du plaisir de l’autre, et tant mieux si accidentellement ça me donnait du plaisir aussi. J’ai fait tellement de choses dont je n’avais pas envie, sans même sentir que je n’en avais pas envie, parce que cette question de l’envie personnelle ne m’apparaissait même pas. OU alors, parce que j’y avais simplement renoncé.

Le problème d’être complètement polarisée vers le désir de l’autre ? C’est que j’alimentais et nourrissais son énergie à lui ou à elle, en me vidant de la mienne. Je choisissais de me vider de ma propre force, énergie et vitalité, pour transfuser ma propre énergie vers quelqu’un d’autre.

Et puis, cette dynamique est le terreau le plus fertile pour le ressentiment.
Dans les relations où je donnais sans cesse à l’autre, il arrivait toujours un moment où je n’avais presque plus d’énergie pour moi. Et quand soudain je réalisais ça, exsangue, je commençais à m’insurger et à dire à celui ou celle à qui j’avais donné « ouais, c’est pas normal tout ça, tu m’as beaucoup trop pris ». Je commençais à croire que l’autre etait un.e égoïste, un profiteur, un narcissique, etc.
Et je n’arrivais pas à voir que j’étais la source de ça, dans mon obsession à donner à l’autre et dans mon incapacité à savoir comment me donner à moi-même. Ou même quoi me donner à moi-même.
Que l’autre m’avait simplement permis d’éviter de me poser cette question.

On peut chercher la cause de ce don exagéré et compulsif, bien sûr, pour comprendre comment on en arrive à être un serial giver. J’ai eu un magnifique entretien avec Deva Broncy sur le sujet : c’est l’épisode 19 de Vulvées si tu as envie de l’écouter. D’après Deva, quand nos besoins ont été négligés pendant l’enfance, quand on a été entouré.e d’adultes qui se contre-carraient de ce qu’on pouvait vouloir, l’une des réponses possibles est de faire taire ses propres besoins et de comprendre que le seul moyen d’avoir de la connexion c’est de satisfaire ou devancer autrui dans ce qu’il veut ou voudrait.

Mais plutôt que de rester fascinée par l’histoire et les origines du phénomène, ce qui m’importe c’est de pouvoir reprendre ma responsabilité et mon pouvoir présent pour revenir à mon désir à moi.

Revenir dans ma propre énergie, dans mon énergie vitale et sexuelle, c’est pouvoir me poser la question de mes propres envies et aller vers celles-ci. Plus je me pose ces questions, plus je me connecte à moi.

Dans la vie, de quoi je rêve ? De quoi j’ai envie ? Quel genre de métier j’ai envie de faire ? Qu’est ce qui me fait vibrer et plaisir ? qu’est-ce que je veux faire avec mon corps ? Où est-ce que je veux vivre ? Qu’est-ce que j’ai envie de faire de ma journée pour me sentir pleine d’enthousiasme ? Quel genre de relations j’ai envie de vivre ? Qu’est-ce que j’ai envie d’écrire ? Comment j’ai envie d’être touchée ? Qu’est-ce que j’ai envie de manger ? Qu’est-ce que j’ai envie qu’on m’offre ? Qu’est-ce que j’ai envie de recevoir ? Qu’est-ce que j’ai envie de m’offrir ? Comment j’ai envie de faire l’amour ? Comment j’aime parler ? Où j’ai envie d’aller ? avec qui ? Etc.

C’est défricher tous les territoires où j’ai mis de côté l’idée même de désir et de volonté propre. Et revenir encore et encore à moi, dans la profondeur de moi-même. Reposer partout, la même question : Qu’est ce que j’ai envie de faire et où ai-je envie d’aller avec ma propre énergie ?

Rien que de nommer tout cela, je sens que quelque chose s’allume et se réveille. Et je sens que ça crée une sorte de palpitation dans mon corps et dans mon sexe, une excitation comparable au désir que je peux ressentir pour quelqu’un.
Le désir qui est à moi, le désir pour ma propre vie. Le désir de ce qui m’anime, me fait vibrer, me fait rêver.

Et en même temps je sens quelque chose qui flippe aussi. Parce que je sais que je ne sais pas encore faire et je me sens que je ne sais pas encore bien m’orienter vers mon plaisir.

Je sens que j’ai besoin d’apprendre à m’orienter vers mon plaisir, à choisir pour moi, à aller vers de nouvelles choses, à développer ma curiosité. J’ai de nouveaux chemins à tisser et retisser.

Luis Mojica qui est un praticien en Somatic Experiencing dit que nous devons apprendre à augmenter notre capacité à recevoir du plaisir et ce qui nous fait du bien. Selon lui, c’est une capacité à acquérir doucement et progressivement pour ne pas créer une sorte de chaos et de débordement à l’intérieur de soi. On ne peut pas devenir du jour au lendemain experte du recevoir, même si on a une épiphanie sur la nécessité de trouver plus d’équilibre dans notre vie.

Apprendre à notre système nerveux à recevoir et à aller vers le plaisir, c’est un vrai exercice. Et à la manière d’un exercice, il est sage de ne pas viser trop haut trop fort trop vite.
Sinon, c’est comme si tu voulais soulever 100 kilos de fonte alors que tu galères déjà à porter un pack d’eau. Au mieux, tu ne vas arriver à rien et au pire, tu vas te faire mal.

Imaginons que petit à petit, désir après désir, nous pourrions chacune et chacun créer un monde où nos milliers de pensées quotidiennes seraient consacrées à notre plaisir, à nos rêves et à ce que nous avons envie de vivre. Où nous nourririons un engagement commun en faveur de notre plaisir et de notre épanouissement.

Ca peut sembler futile et même égoïste, bien sûr, surtout dans un monde où le chaos s’installe et où notre aide est demandée partout. Ce sentiment coupable pourrait être le premier obstacle, d’ailleurs, à se tourner vers soi.

Pourtant pour répondre à cette objection intérieure, je voulais vous lire les mots de Regena Thomasauer que j’évoquais au tout début de cet épisode.

 » Prendre soin de son plaisir n’est pas futile, même dans les temps d’urgence que nous traversons. Plus vous prenez soin de vous-même plus vous pouvez prendre soin des autres.

Votre tâche actuelle est de trouver et de maintenir le plaisir.

Et oui, je sais, je sais, vous n’en avez pas envie. Vous ne pouvez tout simplement pas. Il y a une infinité de choses à faire et des façons plus importantes de rendre service.

Je vous entends. Je vous sens. Je suis avec vous.

Mais, femme, tu es la source. Tu es la créatrice de la lumière, de la vie, de l’éclat. Ton excitation est importante. Ton plaisir est nécessaire.

J’ai fait cette expérience à l’infini. Et lorsque j’ignore mon saint intérieur… la souffrance s’ensuit.

Je n’ai pas la patience d’affronter les difficultés avec amour.
Je n’ai pas l’endurance nécessaire pour trouver l’espoir au milieu du désespoir.
Je n’ai pas l’énergie ou l’empathie nécessaires pour défendre les autres.

Au lieu de cela, je suis perdue, engourdie et vide comme une merde.
Je m’essouffle. Je m’éteins.

Alors, qu’est-ce qui nourrit la sainteté chez une femme ? Le plaisir, sous toutes ses formes. L’orgasme régulier. Une pratique profonde et riche de l’auto-toucher.

Tout comme un autel dans un sanctuaire a besoin d’être entretenu et maintenu pour se sentir sacré, il en va de même pour le corps d’une femme.

Prendre soin de notre sensualité n’est ni frivole, ni indulgent, ni irresponsable.

En fait, c’est notre responsabilité sacrée de nous sentir aussi magnifiques que possible afin de pouvoir refléter cet éclat sur le monde. »

Je discutais de cela récemment avec l’un de mes clients en massage tantrique.
Il se sentait dans une sorte de philosophie du plaisir et dans sa vie, il cherchait à se faire plaisir avant tout.

D’après son expérience, ressentir du plaisir, en être chargé et rechargé lui permettait de le redistribuer beaucoup plus facilement autour de lui, et de le prémunir de l’aigreur ou de l’amertume. Bien sûr, il est bon de se mettre au service pour participer à l’humanité. Mais si on essayait de se mettre au service en s’incluant dans l’équation et en se mettant aussi au service de soi ?

💛💛💛

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