la belle vibration

TANTRA & LOI DE L’ATTRACTION

[Ep. 22] L’embarras du sexto

Aujourd’hui j’ai envie de te parler de ma relation aux sextos.

Pour résumer, c’est assez simple : envoyer des sextos ou en recevoir me place dans le malaise et l’embarras .

C’est quand même bizarre. J’ai toujours adoré lire et écrire. Il me semble que l’écriture est l’une de mes plus grandes forces et passions, à tel point que j’en ai fait mon métier en tant que rédactrice publicitaire pendant 15 ans.
Je me sais capable d’écrire sur presque tout et n’importe quoi, mais quand on arrive sur le territoire de l’érotique, c’est la débandade totale, la liquéfaction, le renoncement.
JE NE PEUX PAS.

Le sexto pour moi, c’est l’exercice d’écriture le plus compliqué et périlleux au monde, parce que chaque faute de goût peut y être fatale.
Les occasions de déraper et de se vautrer sont multiples parce que plus que nulle part ailleurs, il n’existe pas de TERRITOIRE DE CONNEXION COMMUN quand il s’agit d’éveiller le désir et l’excitation chez un ou une autre.

Comparons à la pâtisserie par exemple. On est tous à peu près sur un lexique commun, et les mêmes mots nous inspirent à peu près les mêmes émotions. On s’est créé un univers partagé en lisant des recettes, des critiques gastronomiques, des discours marketing au dos des tablettes de chocolat ou des boîtes de céréales, on a entendu des pubs.

On sait tous que quand on dit onctueux, gourmand, plaisir, délice, ça fonctionne. On cohabite dans un cadre à peu près unanimement partagé, où les mêmes mots veulent dire à peu près la même chose pour tout le monde.

Quand il s’agit de cuisine, le risque de dire quelque chose tout à fait à côté de la plaque est modéré.

Mais dans la sexualité, il y a beaucoup plus de confidentialité, donc moins d’universalité. Les mots que l’on a découvert et aimé, on les a exprimés avec quelques uns seulement, ou parfois même juste avec nous-mêmes.
Ils ne se sont pas ajustés et polis dans le discours public, dans la multiplicté des rencontres et des échanges.

En conséquence, nous sommes tous et toutes sur nos îles, et nous habitons tous des territoires sémantiques différents.
Personne ne sait les mots qui excitent l’autre et l’autre ne sais pas les mots qui nous excitent.

Et les premières fois que ce décalage m’a sauté aux yeux, c’est en regardant mes premiers pornos. Je ne sais pas quels sont les mots les plus frequemment utilisés aujourd’hui, mais à l’époque, il y avait une sorte de récurrence autour du « t’aimes ça, hein ? T’aimes ça quand je te mets ma grosse bite ? »

Et je me souviens d’avoir entendu ça, et d’avoir été carrément outrée par cette façon de parler. A chaque fois, je me disais : « mais quoi ? Cet homme n’est pas allé à l’école ou quoi ».

Te mettre ma grosse bite ?
Mettre la table. Mettre une casquette. Mettre son manteau
Mais METTRE une grosse bite ?
Et puis GROSSE bite.
Un gros ruban, une grosse gousse d’ail, une grosse ampoule, ou peut-être même une grosse augmentation, pourquoi pas.
Mais le qualificatif grosse accolé à bite ne m’excite pas.

Bon, au début j’ai pensé que c’était mon snobisme, et que j’avais cherché l’érotisme au mauvais endroit. Alors je suis allée en librairie feuilleter des ouvrages érotiques en espérant y trouver des mots plus élégants.

Mais là, ce fut la même histoire ! En fait, la plupart du temps, le langage employé ne m’excitait pas du tout et m’inspirait une sorte de gêne froide et distancée qui me mettait même mal à l’aise pour l’auteur.

Tu sais comme quand tu entends à la boulangerie un client faire une plaisanterie nulle, et que la boulangère sourit poliment avec son indulgence de boulangère parce que c’est le commerce, mais qu’aucun client autour ne se donne la peine d’en faire de même. Et que le bide est aussi palpable que la mie de la brioche, et que c’est presque douloureux d’assister à ça.

Dans la littérature érotique, il y a des auteurs dont je ne comprends ni les référence ni délire.
Pourtant c’est leur métier et ils sont publiés, mais quand je les lis j’ai la conviction que je ne peux pas être la seule à trouver leurs mots contestables.

Par exemple, toi, tu penses quoi de : « son sexe turgescent palpitait de désir ».

Moi ça m’évoque un poisson qu’on a sorti de l’océan, rien de plus.

Ou même Appolinaire dans ses Poèmes à Lou, qui mettent toute le monde en extase. IL compare sans cesse le sexe de la femme dont il est épris aux vulves des juments. Je comprends le contexte, la guerre, le manque de présence féminine, mais franchement non. Guillaume, il ne faut pas envoyer ce genre de courrier érotique à ta meuf. Si elle te prend pour un zoophile, ça ne va pas créer le turn on.

Alors, soyons clairs. Ca ne veut pas dire qu’aucun mot ne m’excite, mais que très peu de mots et de tournures m’excitent.
Et que la plupart me coupent carrément la chique.

Par exemple, un matin, un homme avec qui j’étais brièvement en relation, m’envoie un sexto.

Déjà, au niveau du timing, je ne sais pas si le réveil en sexto est le top pour moi. Mais soit, petit coeur pour avoir voulu que mon aurore soit douce.

Il me dit qu’il pense à moi. Jusqu’ici ça va.
Qu’il repense à mes seins nus sous ma robe légère. Ok Chouette.
Et là paf, il me dit qu’il est obsédé par « ma petite chatte ».
OH MAIS NON, quoi ! Pas la petite chatte. Ca me va pas du tout ça.

Je raconte ça à une amie qui me répond « mais t’aurais préféré qu’il te dise quoi « ta grosse chatte » ? Bah non, non plus !

Mais ça n’allait pas ! Et du coup, ce qui aurait pu être cool et excitant a vrillé à la sensation qui fait juste beurk et bof.

Le mauvais mot peut vraiment tout faire foirer.

Bien sûr je trouve ça aussi valeureux qu’inconscient d’oser plonger dans les territoires du sexto, porté par l’enthousiasme et l’excitation

Je trouve ça dingue d’oser se lancer dans le vide avec son univers érotique en pensant qu’en face il y a quelqu’un qui va nous rattraper, heureux et les bras grands ouverts.

Une fois, l’une de mes meilleures amies me racontait qu’elle se chauffait avec un gars sur Tinder. Et d’un seul coup, le mec lui balance par message, le plus sérieusement du monde avec une assurance totale : « je vais insérer mon membre dans ta petite rondelle et te faire hurler de plaisir jusqu’à me supplier d’arrêter »

Non seulement, ça a complètement coupé l’élan de mon amie et l’a immédiatement dissuadée de poursuivre, mais ça a été l’objet de pleurs de rire entre nous qu’on évoque encore. Le rire pour la formule incroyable de petite rondelle qu’on utilise encore entre nous, le rire pour l’aplomb avec lequel c’était balancé, mais aussi le rire pour la violence et le bruit de la chute que le mec s’est auto-causé.

Le sexto, c’est le seul truc capable de te faire chuter de 36 étages en 10 mots. Et de te mettre un frein à main violent même si t’étais déjà à 160. L’enjeu est énorme, et pourtant, il y a toujours des personnes qui continuent de se lancer.

Est-ce que j’ai envie de prendre le risque d’éteindre d’un mot maladroit le désir que j’aurais voulu allumer ? Je n’ose même pas mangé une Danette périmée depuis 4 jours. Pourquoi je ferais ça ? Surement pas.

Quand j’arrive avec toute ma charge d’inquiétude sur les 1001 dérapages possibles, mes amies qui aiment bien envoyer et recevoir des sextos me trouvent trop drama queen. Elles me disent « détens-toi, c’est l’intention qui compte ». Mais non JUSTEMENT, je ne peux pas être d’accord avec ça !

Parce « c’est l’intention qui compte », c’est un truc qu’on dit à Noël quand on reçoit un pot de rillettes alors qu’on aurait aimé un sac Chanel.
Ca veut dire que même ce que tu trouves nul doit être reçu comme un cadeau, et que tu te dois donc d’y RÉPONDRE avec gratitude et indulgence.

Mais moi, quand ça ne me plait pas, j’ai plutôt envie de répondre « non merci » !
Non merci pour la petite chatte. Vraiment, j’insiste, je n’en demandais pas tant.

Mais imaginons l’inverse : que je reçoive un sexto qui me plaise, ce qui tu l’auras compris est rare comme une éclipse.

Mais alors, que répondre et comment oser prendre le risque de faire la glissade du bide.

Je pourrais dédramatiser la situation bien sûr, et aborder le sexto avec la même décontraction que ces mecs qui envoient des photos laides et mal éclairées de leur bite, sans faire aucun effort manifeste. Ils pourraient même se coller sur la bite ces stickers de fleuristes qui disent « plaisir d’offrir joie de recevoir ».

Mais je ne peux pas.
Car évidemment, vu où je place la barre pour les autres, tu comprendras que je m’auto-intimide. Si je devais écrire un sexto, je plongerais immédiatement dans cet état pour lequel nous n’avons pas de mot en français mais que les Anglais nomment si bien : self conscious.

Exagérément consciente de moi, comme surplombée par mon propre regard jugeant et implacable.

Je suis paralysée par mes propres jugements et par mon égo.
J’ai envie de viser juste. Et que mes mots touchent au bon endroit et créeent une érection plutôt qu’un dégoût ou un fou rire.

Et je suis paralysée par le désir de garder le désir intact. Et de ne pas jeter un froid sur l’embrasement d’une sensualité d’animal qui se vit sans les mots.

Je sais, avec ce que je te raconte, tu peux te dire que faire du sexting avec moi, c’est un peu comme jouer à Tabou avec 175 mots interdits. Théoriquement, tu peux tout dire, sauf les mots dans le champ lexical du sexuel et du sensuel.

Pourtant, permets-moi de te surpendre. Il n’y a pas si longtemps, il y a un homme dont j’adorais tous les sextos qui parlaient de ses mains sur mes fesses, de sa hâte de retrouver mon corps ou de faire l’amour avec moi.

Je les adorais parce que c’était un homme qui parlait peu. Et que peu, c’était bien assez. Il faisait court et simple.

Et parce que je l’aimais follement.

J’étais tellement dingue de lui qu’il aurait pu m’envoyer n’importe quoi, j’aurais trouvé ça magnifique et merveilleux.

C’est peut-être juste l’amour, finalement, le secret du sexto réussi.

Parce qu’avec l’amour tout passe.

C’est d’ailleurs ce que je me disais hier dans la salle d’attente du pédiatre alors qu’un gamin vomissait partout (sur les gens, sur les murs, sur le sol), et que ses parents continuaient de le regarder et de le considérer avec amour, patience et tendresse.

L’amour, ça peut permettre de voir ou d’imaginer la beauté, même à travers la pire mocheté.

C’est bizarre de finir cet épisode comme ça non ?

C’est peut-être pour te permettre de comprendre encore mieux pourquoi je n’envoie pas de sexto. Avec moi, la chute peut toujours être aussi déconcertante qu’inattendue.

💛💛💛

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