la belle vibration

TANTRA & LOI DE L’ATTRACTION

[Ep. 9] Les vulves ne sont pas des fleurs, des fruits ou des coquillages

 

Je crois que je l’avouais dès le premier épisode de ce podcast : ma passion pour le dessin de bites.

Je l’ai depuis longtemps.

Dès le collège, je me souviens, j’en dessinais sur les coins des pages de classeurs de mes copines.
Et puis dans la neige.
Ou sur la buée des vitres.
Ou à la crème solaire sur le corps d’un.e ami.

Pour moi, ces bites n’étaient jamais de trop. C’était toujours cocasse et joyeux.

J’imagine qu’on a presque toutes et tous fait ça, à un degré plus ou moins important selon nos obsessions personnelles.

Et pourtant, combien de nous avons eu la même simplicité et le même élan à dessiner des vulves ?

Moi, ça ne m’est jamais venu à l’idée. Et je ne saurais pas bien le faire.

Et toi ? Si je te demandais de dessiner une vulve, là, maintenant, tu t’y prendrais comment et elle ressemblerait à quoi ? Je crois que nous sommes beaucoup à imaginer que l’on saurait comment faire, mais c’est plus compliqué qu’il n’y parait. Presse sur la touche pause, prends un papier et essaye. Je pense que tu pourrais être surprise par ton propre résultat.

Et si tu demandais aux personnes qui te sont les plus proches, à tes ami.es, à ton amoureux, ton amoureuse ou ta mère de te dessiner une chatte, tu verrais que le résultat pourrait être tout aussi troublant.

Il y aurait sûrement beaucoup de personnes qui te diraient « je ne sais pas », qui trouveraient ça bizarre, ou qui te feraient des dessins carrément surréalistes.

Pourquoi c’est si compliqué ? Parce que collectivement, on manque de modèles.

Peut-être qu’on manque de modèles de chair, déjà, si on n’a pas eu l’occasion d’observer beaucoup de vraies vulves sur de vraies personnes dans sa vie.

Mais surtout, on manque de modèles graphiques. Il y a un vide de représentations. C’était l’objet du premier épisode de Vulvées justement. Si on avait grandi avec des images et des modèles de vulves (sur les murs, dans les musées, dans les films, dans les magasins de farce et attrape), elles auraient tellement imprégné notre inconscient, qu’on pourrait dessiner comme ça, sans aucun effort et sans y penser 5 formes de vulves complètement différentes.

Et ce que je trouve encore plus surprenant, c’est que ce vide de représentations est compensé par un détournement de représentations. Comme si la censure des vulves était tellement intégrée dans nos esprits que l’on ne pourrait les représenter dans le monde qu’en usant de métaphores.

Par exemple, si tu cherches des vulves sur Instagram, ou si tu regardes sur les sites de presse féminine les articles qui parlent de sexe féminin, tu vas voir… des fruits. Vraiment beaucoup de fruits.

Et si l’article a une tonalité sexuelle, il y a des chances que tu vois des fruits et des doigts, ou plutôt des doigts enfoncés dans des fruits.
Des doigts dans une orange, Des doigts dans un pamplemousse, Des doigts une papaye… La dernière fois, j’ai carrément vu des doigts dans une pastèque.

Mais enfin, qu’est ce que c’est que ce délire ?
Evidemment, je comprends bien l’idée de parer la censure d’Instagram mais franchement, faut se calmer les gars avec les fruits ! Je ne vois pas le rapport !

Alors bien sûr, je préfère encore les fruits à la représentation de doigts dans une moule ou dans une huitre mais enfin, ma vulve ne ressemble pas une seconde à une papaye, quoi !

Si ? La tienne, elle ressemble à une papaye. Et les points noirs dedans, ça représente quoi exactement ?

Et quand ce ne sont pas les fruits, ce sont des fleurs !

Parce que quand il s’agit de vulves, c’est comme si on avait pris le pli de ne jamais les regarder en face, et de systématiquement prendre des détours pour les voir ou les imaginer.

Un peu comme quand on cherche des formes dans les nuages : le résultat est vague, mais si tu te concentres, tu peux y voir ce que tu as envie d’y voir.

Il y a par exemple un compte Instagram qui s’appelle Nature Yoni qui montre uniquement des plantes, des roches, des écorces, des plans d’eau et des phénomènes naturels qui évoquent des vulves.

Je trouve ça très beau, toutes ces formes évocatrices de vulve dans la nature. Et je me rends compte que ça m’a aidée à mieux m’aimer en me reconnaissant dans la beauté de choses naturelles.

Comparer ma vulve à une rose m’a appris à changer de regard et A CHOISIR de voir de la beauté dans mon sexe.

En passant, ce que je trouve hyper drôle, c’est que si les hommes faisaient des comptes Insta qui comparent des champignons avec leur phallus, ou avec des photos d’oeufs durs et de courgettes, j’imagine qu’on entendrait immédiatement des « eh oooooh ça va les mecs, tout ne tourne pas autour de votre bite non plus ! Déjà que vous construisez des fusées en forme de bite, allez voir un psy ! ». Et on les traiteraient probablement de phallocrates qui sont tellement obsédés par leur appendice qu’ils le fantasment et lui donnent forme partout.

Mais pour les femmes, non. Pour les femmes, cacher leur vrai sexe et le faire vivre à travers des métaphores est devenue une seconde nature. On prête même à ce processus de détournement de soi les meilleures intentions : une oeuvre de poésie, de la pudeur, ou du romantisme.

Quand on va plus loin dans ce parallèle entre Vulve et fleurs, on pense évidemment à l’artiste américaine Georgia O’Keeffe (Si vous ne la connaissez pas encore, je vous mets en description de l’épisode des liens vers ses oeuvres).

Née en 1887, O’Keeffe est considérée comme la mère du modernisme américain et l’une des plus grandes artistes du XXe siècle.

Elle est notamment très connue pour ses peintures de fleurs. Des fleurs éclatantes, en gros plan très détaillés de façon spectaculaire, comme si vous aviez fait un zoom sur elles. Georgia O’Keeffe disait au sujet de ces fleurs : « je veux qu’ils la voient, qu’ils le veuillent ou non ». Elle voulait que nous nous arrêtions et que nous admirions les fleurs d’une toute nouvelle manière, une manière innocente et neuve.

Son pari a été réussi car ses fleurs ont été admirées dans le monde entier. Et notamment parce que beaucoup beaucoup de monde y ont vu des vulves.

Georgia a nié toute sa vie que ses fleurs étaient plus que des fleurs.
Dans un texte de 1939 accompagnant une exposition de certaines de ses œuvres florales, elle déclarait même, je cite : « J’ai fait en sorte que vous preniez le temps de regarder ce que je voyais. Lorsque vous avez pris le temps de vraiment remarquer ma fleur, vous avez accroché toutes vos propres associations de fleurs à ma fleur. Vous écrivez sur ma fleur comme si je pensais et voyais ce que vous pensez et voyez de la fleur, alors que ce n’est pas le cas ».

Une façon de dire que si la beauté est dans l’œil de celui qui regarde, l’interprétation que l’on fait une oeuvre l’est tout autant. Même si sa déclaration évoque un peu le « toute ressemblance avec une personne ayant réellement existé est purement fortuite » des films américain, Georgia O’Keefe nous rappelle que ce qu’une œuvre signifie pour nous peut être très différent de ce que l’artiste lui-même a voulu dire.

Et d’ailleurs, en écrivant cet épisode, j’ai fini par me demander si javais envie de voir des vulves dans les fleurs de Georgia O’Keeffe. (Et pourtant, très naturellement, j’ai choisi une fleur comme image de couverture du podcast Vulvées).

Car plus j’y pense, plus je me dis que l’ambivalence de cette esthétique florale ou de cette floralisation de la vulve, c’est de peut-être nous tenir à l’écart de la réalité de nos sexes. Voire même de nous enfoncer dans un déni de réalité.

A la fois, comme je le disais plus tôt, quand je vois un magnifique iris qui évoque une vulve, c’est assez facile de me dire « wha mais en fait, c’est beau ». Et ça peut m’aider à aimer mon propre sexe.

Et en même temps, tous les sexes ne sont pas floraux, et je me demande dans quelle mesure cette représentation éthérée de la fleur peut créer et renforcer un complexe de la chair. La vulve a de l’asymétrie, des poils, des odeurs qui ne sont pas florales justement. Elle n’est pas cette version sublimée d’elle-même. Quand je me déshabille, ce n’est jamais un iris poudré qui va jaillir de ma slip. Et je crois finalement c’est très bien comme ça !

Ce que je me dis avec le temps qui avance et toutes ces questions qui m’animent sur la réinvention de la relation à mon corps, c’est qu’il est bon d’aller à la rencontre de dessins plus réalistes et faire face à la réalité des vulves, et la beauté de ce réel. Pour m’apprendre à me montrer à moi-même ce qui ne se voit pas et ce que je n’osait peut être pas regarder.

Et si c’était à chacune de nous de prendre la responsabilité de représenter notre sexe tel qu’il est ?
J’entends parfois qu’il faudrait blâmer le patriarcat pour la sous-représentation des sexes féminins. C’est la faute des hommes si on ne voit que des bites et pas de chatte, ils ont pris le pouvoir, etc, etc. Je ne me sens pas en résonance avec ça.

Ce que je me dis c’est qu’aujourd’hui, dans le présent, plutôt que de prendre cette place d’impuissante victime, qu’est-ce que je peux faire concrètement et activement pour changer ça ?
Est-ce que je vais commencer à regarder et dessiner des vraies vulves, ou est-ce que je vais plutôt continuer à liker des pamplemousses sur Insta comme si c’était normal ?

Bah je crois que j’ai envie de regarder des vraies vulves.

J’en profite pour redonner un coup de projecteur sur les dessins extraordinairement variés de The Vulva Gallery. Ce sont des dessins de vraies vulves et c’est génial pour revenir dans le réel.
https://www.instagram.com/p/CsjbuDAIUFD/

J’ai aussi envie plonger dans une aventure encore plus intime et réaliste en allant à la rencontre dessinée de mon propre sexe.

Par exemple, j’apprends à dessiner mon propre sexe. C’est pas dingue encore, mais j’aime bien.

Et puis j’adore aussi l’idée du vulva mapping, où l’on va venir comparer son sexe avec des dessins détaillés pour pouvoir connaître exactement ce qui compose son anatomie.

Parce qu’avec ces histoires de fleurs, on pourrait finir par se demander : « il est où mon pistil et elle est où ma tige ».
Alors que je n’ai pas de pistil.
J’ai un clitoris, un urêtre, un mont de venus, des glandes de Bartholin.

Et toi aussi, si tu as une vulve.
D’ailleurs, est-ce que tu saurais dire exactement où tout ça se trouve sur ton sexe ?

Non ? Pas de panique, tu n’es pas seule.

=> 1 femme sur 5 admet ne pas savoir où se trouve son clitoris, et 35% d’entre nous ne l’ont jamais aperçu. (Etude du Laboratoire Terpan pour le magazine So What 2017
=> A 15 ans, une fille sur 4 ne sait pas qu’elle en a un, et 83% ne savent pas à quoi il sert (D’après un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes 2016.
=> Une étude menée par Eve Appeal en 2016 a révélé que 44% des femmes ne savaient pas identifier leur vagin sur un dessin anatomique et 60% ne savaient pas identifier leur vulve.

Alors comment faire cet apprentissage nécessaire ? Comment apprendre à connaître sa vulve ou réviser ses bases ou gagner encore plus de connaissance ? C’est là que le « vulva mapping », ou la « cartographie de la vulve » – si on traduit mot à mot – intervient.

Cette technique éducative consiste à observer notre vulve en étant accompagné d’une carte ou d’un schéma, pour reconnaître chacune de ces parties. Cela permet d’apprendre les termes qui en définissent chaque partie. Le capuchon du clitoris, le clitoris, le vestibule, les lèvres internes et externes, le méat urétral… tout ce qui se trouve dans la partie externe du sexe.

Pour nous aider, on peut trouver en ligne des illustrations schématiques ou plus fidèles à la réalité, et aussi des gros plans 100 % authentiques sur des mannequins qui en sont pourvues pour aider à visualiser. Je vous mets des liens en description de l’épisode.

C’est important de pouvoir aller à la rencontre de ce qu’on ne voit pas et de ce qu’on ne connait pas bien, tu ne trouves pas ? Et c’est important de pouvoir connaître et reconnaître LA REALITE de notre corps, plutôt que de se reconnaître dans des fleurs qui, même si elles sont ok de jouer le jeu, ne sont pas qui nous sommes vraiment.

Pratiquer le vulva mapping, c’est pouvoir avoir une carte de soi et savoir où se trouve tout ce qui compose notre anatomie. C’est aussi pouvoir savoir ce qui nous plaît et où ça nous plait.

Parce qu’on peut toujours se raconter qu’on a pas besoin de carte, et que c’est cool de se laisser guider à l’aveugle dans l’inconnu. Mais dans ce cas, désinstallons toutes Waze et Google Map de nos téléphone pour vivre la vida loca !

En préparant cet épisode, je me suis mise à rêver d’un monde où la représentation des vulves serait évidente, dans l’intimité de nos maisons, et sur les murs de nos villes.
Où nous serions tous et toutes aussi à l’aise pour dessiner des vulves que pour dessiner des pénis.
Imaginons que nos enfants, au collège, quand viendra le temps de faire un dessin sur le cahier de leurs ami.e, auront le choix intérieur de dessiner une vulve ou une bite. En fonction de leur envie.

💛💛💛

Retrouvez toutes les retranscriptions des épisodes de Vulvées ici :
https://www.labellevibration.com/category/podcast-vulvees/

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