[EP.36] Quand Florence Foresti parle de vulves : le rire de la haine de soi
🧡 Au cours des 2 dernières semaines, vous avez été nombreuses et nombreux à m’envoyer l’extrait du nouveau spectacle de Florence Foresti dans lequel elle parle des vulves.
Pour celles et ceux qui ne l’ont pas vu, je vous mets le lien vers la vidéo dans la description de l’épisode pour que vous puissiez le regarder. https://www.youtube.com/watch?v=TDmd7JRlxFc
Mais en résumé, son propos est assez simple et direct.
Elle raconte qu’elle n’aime pas les vulves, ni la sienne, ni celle des autres. Elle dit « Faut arrêter l’hypocrisie, non, non, c’est pas joli »
Elle imagine le designer-styliste italien complètement cinglé qui aurait créé les vulves et qui a fait vraiment n’importe quoi.
Et elle termine en disant : « c’est raté, c’est nul ».
Dans l’ensemble, le propos est super dégradant et pourtant toute la salle est hilare.
🧡 En fait, c’est violent en toute innocence. Et en cela, c’est un baromètre de là où nous en sommes de manière collective et sociétale dans notre relation à la chatte. C’est un reflet du temps, un symbole et un symptome.
🧡 Une audience qui rit, c’est une audience qui valide le propos. Et qui valide, sans même la relever, la haine et la honte de soi qu’elle propage sous couvert de plaisanteries.
🧡 Imaginons une seconde que ce soit un homme qui dise ça sur scène. On peut imaginer que les rires de l’assistance seraient beaucoup plus clairsemés et gênés. On se dirait « putain, mais c’est qui ce relou ? Va sucer des bites si t’es pas content, et ne nous fait pas chier ». On pourrait s’attendre à ce que beaucoup de monde lui tombe dessus en le taxant de misogyne qui promeut la haine des femmes et de leur corps. Et ce serait à juste titre.
Mais là, ça vient d’une femme. Alors, dans ce cas, dire des horreurs sur soi-même, ça passe et c’est permis. C’est même valorisé comme une belle capacité d’auto-dérision.
Mais c’est insidieux, parce que cette auto-dérision, c’est juste du dégout de soi emballé dans un joli paquet.
🧡 Ce que fait Florence Foresti, c’est qu’elle valide et rebalise un chemin qu’on a toutes déjà mille fois emprunté en tant que femme. Un chemin qu’on connait par coeur depuis l’enfance qui dit que la vulve est moche.
C’est une honte qui vient de loin, qu’on se passe fidèlement de génération en génération.
Une honte qui se perpétue dans les cours des collèges quand certains comparent les chattes a des escalopes ou des moules, et qu’on prie pour que notre chatte ne ressemble pas à une escalope et ne sente pas la poissonnerie.
Une honte qui se prolonge dans la normativité du porno, parce que si toutes les chattes sont laides, il y en aurait quand même des moins pire que d’autres.
Alors oui, bien sûr, on rit, presque pas politesse et parce qu’on a l’habitude.
Il vaut mieux en rire qu’en pleurer.
Et puis, comment oserait-on dire que ces mots n’ont aucun sens parce que notre sexe est beau.
Au mieux ce serait de l’illusion, au pire de la vanité.
Enfin, t’es sérieuse, tu l’as bien regardé ta chatte ?
🧡 Ce que je trouve particulièrement triste et déplaisant, c’est que Florence Foresti est un modèle et une référence pour plein de gens, et que son pouvoir d’influence est énorme.
Si c’est Gérard qui dénigre les vulves dans son salon, un dimanche midi, entouré de sa bouteille de Rosé et de ses 5 cousins dégénérés. On s’en fout un peu, parce que son pouvoir d’influence est limité. On n’en n’a rien à foutre de son avis sur les vulves parce qu’on peut supposer qu’il n’en a pas fréquenté beaucoup et qu’on peut juste le laisser là, dans la misère de son regard sur le monde.
Mais Florence Foresti, quoi. Il y a une célébrité qui vient théoriquement avec une certaine responsabilité. Cette vidéo, pour le moment, a été vue 600 000 fois, rien que sur Youtube.
Les commentaires sont dithyrambiques.
600 000 validations enthousiastes sur la mocheté des chattes.
On pourrait le prendre à la légère et avec humour.
Bah en fait, non, je n’ai pas envie.
🧡 Alors, oui bien sûr, ce qu’on serait tenté d’invoquer, c’est le fameux « rhoooo mais ça va, on ne peut plus rien dire, c’est le règne du politiquement correct par ici ».
C’était déjà exactement là même chose que disait Patrick Timsit il y a 20 ans quand il était poursuivi en justice pour avoir déclaré « Les mongoliens, C’est comme les crevettes roses, tout est bon, sauf la tête».
Ou quand Michel Leeb pavoisait avec un personnage qu’il appelait l’Africain et qui disait des choses comme « Ce ne sont pas mes lunettes : ce sont mes narines ! ».
C’était déjà l’invocation du droit à dire du mal du corps dans ses différences, en tout impunité. C’était déjà la haine de notre humanité.
Et c’était déjà quelque chose qui ne me faisait pas rire du tout.
🧡 Parce que l’idée, ce n’est pas de ne plus rien dire. Mais plutôt d’arrêter de dire des trucs nuls qui sont des poisons pour l’esprit !
« On ne peut plus rien dire ! ».
Bah si, il y a plein de choses que tu peux dire. Il y a plein de choses qui sont drôles, et qui ne nourrissent pas la haine du corps et de soi. Il y a d’autres sujets, il y a d’autres possibles.
La vraie question, c’est qu’est-ce que tu choisis de dire ? Qu’est-ce que tu fais de ta parole ? Qu’est ce que tu fais de l’impact de tes mots ? De ton audience ? De ton pouvoir d’influence sur ceux qui t’écoutent, te respectent et croient en toi ?
C’est une question pour nous tous. Pour moi. Pour toi qui m’écoute.
Parce qu’on est libre de tout faire, hein, à chaque mot qui sort de notre bouche. On peut contribuer à la haine ou contribuer à l’amour.
Est-ce que tes mots, tes actions et ta vibration sont au service de l’amour et du respect de soi et du corps ?
Ou est-ce que tu te nourris de la haine de soi pour faire rire et créer de la connexion ?
Est-ce que tu utilises la force et l’impact de ton langage pour défendre ce que tu aimes et ce en quoi tu crois ?
Dans quelle direction est-ce que tu oeuvres ?
🧡 Et puis, il y a autre chose.
C’est cette conviction que dire du mal de soi n’aurait aucun impact. On pourrait faire des blagues dégradantes sur les vulves, ça ne changerait pas grand chose à notre vie.
Alors que ça change tout.
Comment veux-tu avoir une sexualité satisfaisante si tu penses que ton sexe est moche et dégueu ? Comment peux-tu te relier à ta puissance, à ta vibrance, à ton désir, à ta jouissance si tu le regardes comme une daube ?
Comment peux-tu penser une seconde que ton sexe va collaborer avec toi si tu le traites comme une vilaine chose ? Qu’il va te donner des orgasmes, du plaisir et de la joie alors que tu le dénigres ?
Et ce n’est pas qu’une question de vulve. C’est la même chose pour le sexe des hommes.
En ce moment, sur Netflix, il y a l’équivalent de Foresti version bite.
Il y a un spectacle d’une humoriste américaine qui s’appelle Jacqueline Novak. Ca s’appelle Get on your knees. « Mets-toi à genoux », en français
C’est super bien écrit, étrange et puissant. pendant tout son spectacle, Elle ne parle presque que de bite et de couille. Mais en les taillant en pièce. Elle se moque du sexe des hommes, elle les ridiculise, elle les humilie. Elle les traite comme des petits machins moches et fanfarons, inutiles et amusants.
Et ça m’a laissé le même sentiment de gêne et d’amertume.
Parce que d’un point de vue physiologique, quand tu dis quelque chose d’insultant à ton corps, il a été prouvé que cela crée un stress dans ton système nerveux et dans ta chimie intérieure. Tu te fais physiquement du mal.
D’un point de vue symbolique, émotionnel, énergétique et tantrique.
Tu ne peux pas habiter pleinement ta sensualité, ton plaisir, ta joie d’être dans ton corps, tu ne peux pas vivre ta sexualité de manière ample et épanouie, si tu ne sais pas mettre de l’amour dans le sexe. Pas uniquement dans le sens faire l’amour avec amour.
Mais aussi, dans le sens de considérer ton sexe et le sexe de ton ou ta partenaire comme un espace sacré, comme une beauté, comme une source de joie.
Si tu peux développer ta capacité à admirer un sexe, à en voir la beauté. Si tu peux plonger dans cet amour et cette révérence qui te donne envie de le caresser, l’embrasser, de le contempler. Alors tu remets de l’amour dans toute ta relation à l’intime.
Tu apprends à célébrer la chance et le privilège que nous avons d’avoir des sexes qui ressentent, qui nous donnent du plaisir, qui réagissent, qui sont vivants, qui nous permettent de jouir.
🧡 Mais comment on peut en arriver là ?
Il est possible de déconstruire toute la haine, la honte et l’indifférence qui sont tellement normalisées.
C’est d’ailleurs tellement normalisé et intégré qu’il est possible que quand tu m’écoutes, tu sois beaucoup plus à l’aise en entendant qu’une vulve est moche, qu’en m’entendant parler de célébrer et révérer ton sexe et celui de la personne que tu aimes.
Aller dans cette direction d’amour et de réconciliation est un processus.
Et c’est un processus que je connais parce que je l’ai mené et je le poursuis.
Il n’y a pas si longtemps, je trouvais mon sexe tellement moche, tellement honteux. Tellement foncièrement mauvais. J’avais le sentiment qu’il était irrémédiablement sali par les abus que j’avais vécus.
Je le regardais avec mépris, dégout et dépit. Je ne le regardais même pas en fait. C’est plutôt ce que m’inspirait l’idée de lui, quand j’y pensais, en me tenant le plus loin possible de lui.
Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un jour je ferai un podcast sur les vulves pour célébrer et prendre soin de l’intime.
Je me souviens d’avoir parlé de ça avec mon amie Marie, qui est une artiste. Elle était tellement désolée pour moi du regard que je portais sur mon sexe. La fois suivante, quand nous nous étions vues, elle était venue avec un petit paquet qu’elle m’avait tendu.
A l’intérieur, il y avait un dessin qu’elle avait créé pour moi. C’était une vulve, entourée de fleurs, et elle avait écrit en dessous « Souviens toi de ta splendeur ».
Ce dessin, il est affiché chez moi parmi ce que j’ai de plus sacré. Et je le vois tous les jours. Et il a contribué à changer mon regard sur moi.
Depuis ce dessin, du chemin a été parcouru.
Mon monde a radicalement changé parce que j’ai choisi de ne plus avancer avec cette honte et de m’en délester, avec le tantra, avec mon regard, avec les mots d’amour dits à moi-même, avec la fréquentation de personnes qui m’inspirent.
Par exemple, je suis allée faire ma sculpture de vulve avec Viktoria Krug de Vulva Casting (je vous en parlais dans l’interview que j’ai faite d’elle dans l’épisode 3). Aujourd’hui, cette sculpture est dans ma chambre. Je la vois quand je me couche et quand je me réveille.
Hier, deux amies sont venues déjeuner chez moi et m’ont demandé avec enthousiasme, « Alors, on peut voir ta sculpture de vulve ? ». Et on s’est retrouvées toutes les 3 dans ma chambre à admirer cette sculpture en disant « oh c’est beau !!! ». Avec la joie, de la tendresse et de l’innocence dans les yeux.
Dans son sketch, Florence Foresti dit « nous, les femmes, dès qu’on a un truc joli, on se le montre. Ce n’est pas un hasard si notre vulve, on ne se la montre jamais ».
Et bien, ça, ce n’est pas la réalité que je me suis créée.
🧡 Ce changement de perspective, de regard et de point de vue, c’est devenu ma vie, mon bonheur et ma chance.
Alors je ne te dis pas que tu dois aller aussi loin, te faire une sculpture de chatte et la montrer à tes amies.
Si je te raconte ça aujourd’hui, c’est pour insister sur le fait que ce n’est pas une réalité que j’ai créé seule, mais que j’ai créée en CHOISISSANT de m’entourer de personnes qui savent célébrer la beauté de mon corps et de leur corps, et qui savent le dire.
🧡 Et pour toi qui m’écoutes et qui peut-être doutes de toi, j’aimerais que tu ressentes à quel point il est précieux que tu saches t’entourer de personnes qui voient ta beauté, si toi tu ne la vois pas encore.
Evidemment, tout le monde n’est pas capable de ça. Tout le monde ne sera pas capable de voir ta beauté et certaines personnes ne pourront pas te suivre sur ce chemin. Florence Foresti ne t’accompagnera pas, par exemple.
Mais il y a des gens qui sauront te regarder avec des yeux lumineux et reconnaitre que ton sexe, comme tous les sexes, est digne d’amour et d’émerveillement.
Et si ces personnes ne sont pas encore là, autour de toi, si tu ne les as pas encore rencontrées. En attendant, il y a moi. Je suis là.
Ecoute :
Ne t’inquiètes plus.
Tu n’as plus à avoir honte. Tu n’as plus à avoir peur.
Ton sexe est une merveille
Ton sexe est libre.
Ton sexe est digne de ton amour.
Ton sexe est digne de tout l’amour du monde, et de respect.
Ton sexe est guéri de tout le mal qui a pu lui être fait.
Ton sexe sait comment se réparer.
Ton sexe peut te guider vers la joie, vers le plaisir et l’amour.
Ton sexe est aimable et peut être aimé.
Ton sexe est magnifique.
🧡 Tu peux choisir de quitter la honte.
Tu peux choisir de quitter ce monde qui nous dénigre dans notre intime et s’en amuse. Tu peux changer ta vie en choisissant de ne plus fréquenter certaines personnes, en ne tolérant plus certains propos. Tu peux choisir de laisser certaines attitudes et croyances derrière toi et de ne plus leur faire de place dans ta vie.
Tu peux choisir de te mettre activement en mouvement vers autre chose, vers d’autres pensées, vers d’autres gens. Tu peux nourrir en toi la force de conviction et d’affirmation que ton sexe est magnifique.
Il y a un ailleurs qui existe et dans lequel tu peux aller et grandir.
Pour finir, on pourrait même reprendre les paroles du grand Jean-Jacques Goldman, comme s’il parlait de cet immense et merveilleux territoire qui t’attend, dans lequel tu pourras aimer ton corps et ton sexe, et célébrer cette beauté que tous n’ont pas le don de voir.
Là-bas
Tout est neuf et tout est sauvage
Libre continent, sans grillage
Ici, nos rêves sont étroits
C’est pour ça que j’irai là-bas
J’aurai ma chance, j’aurai mes droits
Et la fierté, qu’ici je n’ai pas
Je te perdrai peut-être là-bas
Mais je me perds si je reste là
hmmmm, c’est pour ça que j’irai là-bas
💛💛💛
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